Posturothérapie : le journal de la posturologie de Lisbonne

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vendredi, novembre 19, 2004

7/ A quoi sert la proprioception ?



"Le Poids de l'effort"

"Privé du sens de proprioception, le cerveau s'en remet à la vision pour évaluer le poids des objets.

Prendre une tasse de café et la porter à sa bouche: le geste peut sembler banal, mais les apparences sont trompeuses. Juste un petit trop de force et hop!, le maladroit s'éclabousse et en paie le prix.
Derrière ce geste, tout comme derrière les mille et un petits mouvements de la vie quotidienne, se cache une mécanique rodée au quart de tour, prise en charge, presque à notre insu, par le cerveau. Il suffit cependant qu'un rouage s'enraie pour que la complexité du système apparaisse dans toute sa splendeur.
Ginette L., désafférentée, en sait quelque chose. Des complications inhabituelles survenues à la suite d'une attaque virale de Guillain-Barré l'ont privée de sa proprioception, ce mystérieux sens qui fait que, même les yeux fermés, chacun sent la position qu'occupent ses membres et son corps dans l'espace. Bien que Ginette L. puisse toujours générer des mouvements, elle ne peut ni sentir, ni bien contrôler ses bras et ses jambes, si elle ne les voit pas.
Par la déduction les chercheurs Michelle Fleury, Chantal Bard, Normand Teasdale et Yves Lajoie du Laboratoire de performance motrice humaine du Département d'éducation physique ont voulu savoir si, malgré son état, Ginette L. pouvait évaluer le poids des objets qu'elle soulève et si oui, comment elle y parvenait.
En collaboration avec les chercheurs Jacques Paillard (CNRS-Marseille), Jonathan Cole (Wessex Neurological Centre) et Yves Lamarre (U. de Montréal), ils ont évalué la capacité de discrimination de Ginette L. et de sujets normaux, en situation standard puis lorsqu'on bloquait leur vision.
Les sujets devaient déterminer si dix petits contenants d'apparence identique mais de poids variant de 95 à 195 grammes étaient plus légers ou plus lourds qu'un poids de référence de 145 grammes.
Les résultats, qu'ils publient dans le numéro de décembre de la revue britannique Brain, révèlent que lorsqu'elle voit sa main soulever les contenants, Ginette L. atteint un seuil de discrimination presque égal aux sujets normaux, soit environ 10 grammes. Par contre, lorsqu'elle est privée d'informations visuelles sur ses mouvements, ce seuil grimpe à 46 grammes alors que la performance des sujets normaux demeure la même.
«L'analyse cinématique des tests montre que Ginette parvient à déduire, à partir de la vitesse maximale de son mouvement, le poids des objets qu'elle soulève, explique Chantal Bard. Plus le poids est lourd, plus son mouvement est lent.
Ces résultats démontrent la grande plasticité du système nerveux et l'existence de mécanismes qui prennent la relève lorsque le cerveau est privé de certaines informations.»Jusqu'à un certain point, même les individus normaux utilisent la vision pour déduire le poids des objets, poursuit la chercheuse.
Tout le monde a déjà vécu l'expérience de mettre trop d'effort pour soulever une grosse boîte vide ou pas assez pour soulever une petit boîte très lourde.
Cependant, précise-t-elle, contrairement à Ginette, notre sens de proprioception nous permet d'ajuster immédiatement l'effort requis en fonction du poids réel de l'objet. "
Publié avec l'autorisation de son auteur Jean HAMANN journaliste à l'université de Laval.