Posturothérapie : le journal de la posturologie de Lisbonne

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mardi, décembre 14, 2004

10/ La posturologie "Ecole de Lisbonne" : des lunettes à prismes pour soigner la dyslexie !



Interview du Docteur Patrick Quercia ophtalmologiste à Beaune en Côte d'Or (dont le fils est dyslexique et qui a étudié de manière approfondie ce trouble) et du Professeur Fabrice Robichon, professeur de neurosciences et de neuropsychologie à Dijon diffusée sur Europe1 dans la "chronique santé" le 24 janvier 2004.

Jean-François Lemoine mène le débat.

JFL - 10 % des français ont été un jour dyslexiques ou le sont restés pour beaucoup, on sait que les moyens de guérir ou soulager ce trouble ne sont pas faciles à trouver.
On a toujours pensé que ceux qui s'occupaient du langage s'occupaient de la dyslexie, or en fait, on sait maintenant que cela vient en grande partie de l'œil.

Qu'est ce que la dyslexie Professeur Robichon ?

PFR. - c'est un trouble de la lecture, plus exactement de l'apprentissage de la lecture chez les enfants, on sait aujourd'hui que c'est multidimensionnel, il y a des aspects biologiques, les aspects psychologiques sont plutôt la conséquence. J'aimerais rajouter, cela a son importance, que ces enfants n'ont rien d'autre et qu'ils sont normalement intelligents. La dyslexie, ce trouble de la lecture, ne veut pas dire que cette personne n'a pas la capacité d'être brillant dans sa vie.

JFL - Si le Docteur Quercia (ophtalmologiste) est là c'est qu'il a non seulement étudié le sujet, mais qu'il l'a vécu de l'intérieur puisque son fils est dyslexique. Comment l'avez-vous constaté docteur ? Car au début ce n'est pas évident, on se dit, il n'apprend pas à lire, il n'apprend pas à l 'école, ce sont toutes les réactions qui viennent au départ ?

DPQ - C'est très simple car jusqu'au CP vous avez les enseignants qui vous disent que votre enfant est intelligent normalement. Lorsqu'il rentre au CP on vous dit qu'il ne se concentre pas, vous ne comprenez pas et un jour on vous dit c'est la dyslexie.

JFL - Vous qui êtes médecin vous ne connaissiez pas la dyslexie ?

DPQ - Si bien sûr, je connaissais le mot mais très franchement, je ne connaissais pas la dyslexie. Depuis, j'ai lu énormément d'ouvrages sur la dyslexie, mais des ouvrages vraiment médicaux il n'y en a pas beaucoup !

JFL - On est un peu surpris que pour un problème aussi important, ce soit au bout d'un certain temps qu'on apprenne que son enfant est dyslexique, à quel moment avez-vous appris que votre fils était dyslexique ?

DPQ - Quant il avait 6 ans, on est parti en vacances pendant 4 semaines c'était la fin du CP, je lui ai dit on va lire un petit peu, il ne savait plus rien, je me suis aperçu qu'en 4 semaines il avait oublié, toute l'année précédente il apprenait par coeur le texte et il reproduisait. Quelquefois il se trompait dans un mot, nous n'y faisions pas attention.

JFL - Professeur Robichon l'âge auquel on dépiste la dyslexie c'est vers 6 ans lors de l'apprentissage de la lecture ? Les enseignants sont plus sensibilisés qu'autrefois et détectent plus facilement ? C'est aux enseignants ou aux parents de détecter ?

PFR - Tout le monde peut s'y mettre, et les parents peuvent surveiller d'une certaine manière les problèmes scolaires de leurs enfants et également les professeurs des écoles de plus en plus sensibilisés en IUFM.

JFL - Pourquoi lorsqu'un enfant a un problème de lecture ne le confie-t-on pas à un spécialiste de la dyslexie qui doit être capable de faire le diagnostic très vite ?

PFR - Dans des pays comme la France, les spécialistes sont les orthophonistes et les neuropsychologues. Très rapidement lorsqu'un enseignant a un doute il conseille aux parents un bilan orthophonique, c'est généralement la première étape.

JFL - Docteur Quercia c'est vous qui l'avez constaté pour votre enfant ?

DPQ - Non pas du tout, c'est le hasard qui m'a fait rencontrer quelqu'un qui connaissait la dyslexie. Pour être très simple, je dirais aux parents lorsque vous avez un enfant qui est intelligent normalement, que vous vous rendez compte qu'il a une créativité particulière donc qu'il est manifestement intelligent, et tout le contexte autour de lui, social, éducatif est normal et que cet enfant ne fonctionne pas normalement à l'école, il faut se poser la question. Il faut l'envoyer chez un orthophoniste, c'est très simple.

JFL - Sur 10 millions de dyslexiques dans notre pays, il y a 1 million de dyslexiques graves, on dit également qu'il y a beaucoup d'analphabètes est ce que l'on peut dire que tous les analphabètes sont des dyslexiques graves ?

PFR - Non pas du tout, c'est un autre problème il s'agit de personnes qui parfois n'ont pas été confrontées à une situation d'apprentissage. Le dyslexique de développement présente des troubles de la lecture en dépit de l'apprentissage approprié et d'une intelligence normale c'est une définition qui est largement partagée.

JFL - On peut rappeler qu'il y a des dyslexiques célèbres : Einstein, Edison, Napoléon, Rockfeller, Tom Cruse, Léonard de Vinci, Agata Christie.

PFR - Passer de Tom Cruse à Napoléon ou Einstein, on n'est pas tout à fait dans la même catégorie ! Ce qui est intéressant en réalité c'est de rappeler que cette atteinte peut toucher toutes les couches sociales et toutes les catégories de la population. Par rapport au sexe, les garçons sont plus touchés.

Intervention d'un auditeur qui signale que les dyslexiques bénéficient de temps supplémentaires lors des examens.

DPQ -C'est vrai, il y a une loi depuis 5 ou 6 ans qui dit qu'à partir du moment ou vous êtes reconnu dyslexique vous avez droit à un temps supplémentaire. Il suffit de prendre contact avec le médecin scolaire qui s'occupe de l'établissement qui va en général demander un bilan d'orthophoniste. IL faut le faire tôt dans l'année, en janvier. Les dyslexiques ont besoin de plus de temps pour écrire, pour intégrer la question, pour faire leurs plans, pour compenser leur manque d'organisation par du temps.

JFL - Professeur Robichon qu'en dites-vous ?

PFR - Oui, pour le dyslexique on dirait que le temps est crucial, ils y arrivent aussi bien que d'autres enfants mais il faut beaucoup plus de temps. Il y a une sorte d'analyse et d'intégration de l'information qui est différente.

JFL - Nous allons revenir assez vite aux moyens de soulager ce trouble, car c'est finalement la grande question. Avant essayons de définir ce qu'est la dyslexie. Avant je voudrais parler d'une étude récente qui a montré qu'en prison le taux de dyslexie est incroyablement différent de celui de la population normale. En Angleterre on a montré que plus de 50 % de la population en dessous de 30 ans était dyslexique.

PFR - Il n'y a pas beaucoup de façon de sortir de la dyslexie, vous pouvez vous replier sur vous-même et devenir dépressif. Il y a beaucoup d'enfants qui sont dépressifs parce qu'ils sont dyslexiques et qu'ils ne comprennent pas que ce n'est pas une maladie et on ne leur en parle pas. Vous avez des enfants qui essayent de ramer au maximum et qui sont tout le temps fatigués et vous avez la violence.

JFL - La réaction d'une auditrice est très caractéristique elle a deux enfants qui sont dyslexiques, elle parle d'une méconnaissance des enseignants, elle a entendu dire à plusieurs reprises que ces enfants étaient bêtes, le côté dénigrement de l'enfant qui n'est pas capable d'apprendre à lire, c'est vrai ?

PFR - Longtemps les enseignants l'ont occulté mais aujourd'hui avec les nouveaux programmes dans les IUFM, c'est beaucoup moins vrai. On fait une petite place aux troubles de l'apprentissage et en particulier au trouble de la lecture et puis d'un autre côté des conférences pédagogiques sont mises en place auxquelles je participe personnellement pour informer les professeurs des écoles et des collèges.

DPQ - Je dirais qu'il faut absolument que les parents de ces enfants dyslexiques sachent qu'ils ont des enfants exceptionnels ; pour moi qui vois des enfants dyslexiques, ce sont des enfants qui sont curieux, créatifs, inventifs et intuitifs, ils sont en quelque sorte un peu exceptionnels ce qui fait qu'ils ne sont pas dans le groupe. Le premier devoir des parents en fait c'est de protéger leurs enfants et de beaucoup les aimer de façon à ce qu'ils traversent les contraintes de la société de manière beaucoup plus facile.

PFR - Mais il faut bien dire que ce n'est pas parce qu'ils n'ont pas été aimés qu'ils sont dyslexiques. Autrefois, on parlait d'un choc affectif, aujourd'hui, on dédouane complètement les parents et les enseignants. Je pense que l'idée que le problème est 100% psychologique a fait son temps. On sait qu'il y a des aspects biologiques et probablement génétiques, les études assez récentes sont multiples qui incriminent certains aspects du génome, certains chromosomes. Qu'il y ait des aspects psychologiques c'est indéniable (1 enfant sur 2 selon mon expérience) mais c'est une conséquence ! Il y a des familles de dyslexiques, il y a bien tout de même des choses qui se passent. Il y a probablement un lien, les hypothèses sont légions, mais probablement un lien génétique et l'hypothèse également de nature hormonale.

Témoignage d'une maman d'enfant dyslexique :
« Mon fils a fait une scolarité a peu près normale en CP, au CE1 avec la lecture globale en fait j'ai vu qu'il avait de grosses difficultés de lecture comme il avait beaucoup de mémoire, il retenait très bien les histoires de « ratusse » son livre de lecture ; on ne se rendait pas très bien compte et c'est à partir du CE1 seulement quant il a fait des dictées que cette dyslexie a été détectée et on m'a dirigé vers un orthophoniste, la méthode globale cache en fait les problèmes de dyslexie. Nous nous en sommes aperçus lors des dictées, les lettres, les sons s'inversaient. »

JFL - Professeur Robichon qu'en pensez-vous ?

PFR - Je ne pense pas que l'apprentissage par une méthode de lecture puisse rendre dyslexique. L'enfant dyslexique est né dyslexique. En revanche peut-être à l'instar de cette auditrice, on peut imaginer qu il y a des méthodes d'apprentissage qui sont plus ou moins bonnes pour mettre en évidence ce trouble très rapidement.

JFL - Comment un dyslexique voit-il une lettre Docteur Quercia ?

DPQ - Jusqu'à présent les ophtalmologistes se sont intéressés à la vision en tant que telle, tout le monde le sait. Il y a un nouveau champ qui est en train de s'ouvrir qui est la perception de l'espace. Les dyslexiques ne perçoivent pas l'espace comme tout le monde. Pour donner une image assez simple, lorsque vous fermez les yeux et que vous imaginez un objet, vous vous apercevez que vous imaginez l'objet toujours un peu sous le même aspect pour le conceptualiser à plat et sous une certaine face. Les dyslexiques sont capables de voir l'objet sous différentes facettes et quasiment en même temps. Pour simplifier on pourrait dire qu'ils ont quasiment une vision en 3D. Tout se passe comme s'ils ne pensaient pas avec des mots mais avec des images. Lorsque vous étudiez les dyslexiques, vous vous apercevez qu'ils se localisent et qu'ils localisent des choses dans l'espace d'une manière complètement différente.

PFR - Ceux qui font des études supérieures se retrouvent souvent dans des professions comme ingénieur bâtiment ou architecte, professions où il faut manipuler des espaces.

JFL - Cela veut-il dire qu'il n'y a pas de dyslexiques chez les Chinois dont on sait qu'ils apprennent à écrire et à lire avec des idéogrammes ?

PFR - Actuellement c'est encore très controversé. . Si vous voulez c'est complètement différent c'est un pictogramme et dans la dyslexie de développement, le problème n'est pas périphérique sensoriel c'est pas purement visuel c'est plus une question de ce qui se passe après avoir perçu.

JFL - Ce qui est surprenant c'est que s'il y a 10 % de chinois dyslexiques ça veut dire plus de 100 millions de dyslexiques c'est un problème national ! A-t-on des notions ?

PFR - Les avis sont vraiment partagés parce que ce n'est pas du tout alphabétique comme langue, c'est purement idéographique. Il faut dire aussi que la révélation de la dyslexie va avec l'évolution de la société, c'est évident que dans une société rurale, le dyslexique a tout à fait sa place, s'il ne travaille pas bien à l'école, il va s'occuper des animaux lorsqu'il va arriver à 14 ans, dans une société industrialisée, moderne, la dyslexie est un réel problème parce que si vous êtes dyslexique vous êtes mis sur la touche.

Une auditrice demande si la dyslexie c'est le fait d'avoir été un gaucher contrarié ?

PFR - Dû à la gaucherie manuelle contrariée je ne crois pas, mais ce que je sais, c'est que chez les dyslexiques de développement il y a une plus grande proportion de gauchers par rapport au droitiers que chez les enfants qui ne sont pas dyslexiques.

JFL - Une auditrice nous signale qu'actuellement on remet en cause les méthodes de lecture globale, en particulier Madame OUZILOU orthophoniste de renom qui prône l'abandon de la méthode globale. On n'est pas là pour parler de méthode globale ou classique, on est là pour parler de la dyslexie et comment la prendre en charge. Comment fait-on pour cette prise en charge ?

PFR - La première démarche c'est l'orthophoniste généralement qui accueille et également le psy scolaire qui évaluera le niveau d'intelligence car ce sont des enfants qui sont normalement intelligents. S'il y a un problème avec l'intelligence c'est généralement qu'il y a autre chose que de la dyslexie. L'orthophoniste prend en charge le bilan dans un premier temps, puis procède à une rééducation.
La nouveauté aujourd'hui c'est qu'on a bien conscience que chaque enfant dyslexique est un cas particulier, il y a un cortège de signes, de troubles qui n'est pas forcément toujours identique entre tous les dyslexiques, par exemple des troubles de l'attention, ou parfois chez une petite proportion d'entre eux des troubles du langage oral.
Les orthophonistes ont bien conscience qu'il faut faire un plan individualisé de rééducation. Globalement le fond de la rééducation reste le même que les bases enseignées à l'école d'orthophonie.

JFL - Combien de temps dure le traitement pour une dyslexie ? sur toutes les études ?

PFR - Si on parle des traitements classiques ça durerait quasiment toute la vie, mais en pratique on s'aperçoit que ça dure 6 ou 7 ans.

JFL - C'est très efficace ?

PFR - Au bout d'un moment il semble qu'il y ait un palier ou un seuil qui soit atteint ; de plus, lorsque l'on est enfant c'est difficile car c'est vécu comme une deuxième école. Lorsque l'on est un peu plus grand, adolescent on peut prendre sur soi mais il arrive un moment ou on sature au bout de nombreuses années de rééducation. Lorsque l'on est adulte, il y a des adultes qui viennent faire de la rééducation pour leur dyslexie de développement et ce n'est pas du tout facile de se remettre à travailler. Les méthodes orthophoniques c'est 1 à 2 séances hebdomadaires au-delà on surcharge vraiment.

JFL - L'enfant a t-il quelque chose de particulier à faire tous les jours ?

PFR -il y a certains orthophonistes qui peuvent donner un travail à faire à la maison surtout qu'aujourd'hui l'outil informatique s'est développé mais c'est loin d'être le cas de tous les praticiens.

JFL -Docteur Quercia qu'a fait votre enfant ?

DPQ - IL a fait des méthodes classiques de rééducation plus une qui est un peu particulière qui s'appelle la méthode de la semiophonie. Je dirais que les méthodes actuelles, je vais être relativement carré pour mon cas personnel, pour mon gamin, le premier avantage des méthodes actuelles c'est que vous mettez un diagnostic. A partir du moment où l'enfant déjà sait qu'il est dyslexique, ça change énormément les choses. Il sait qu'il a un dysfonctionnement et qu'il n'est pas « anormal » entre guillemets, car avant il ne comprend pas ce qu'il se passe, tout le monde le bouscule, il a une intelligence normale il ne comprend pas le monde dans lequel il est.
La deuxième chose c'est que les orthophonistes qui font un travail admirable aident l'enfant à mettre en place des stratégies de contournement. Il y a un sens qui ne fonctionne pas bien on essaye de le stimuler ; par exemple sur la lettre P et B au lieu d'utiliser la vue on va utiliser la perception tactile pour modeler une lettre.
Il faut que l'enfant qui est dyslexique, il faut qu'il puisse dans son imaginaire retrouver immédiatement la lettre. Il pense en images il ne faut pas utiliser le système que l'on utilise chez 90 % de la population.
Concernant la lettre ou le mot, il faut qu'il puisse arriver à avoir les deux aspects pour lire c'est à dire visio-ortographique c'est la forme visuelle du mot et un aspect phonologique ,c'est à dire le son que font ces lettres agencées en mots, c'est intéressant pour les dyslexiques qui ne se ressemblent pas tous. Il y en a pour lesquels le déficit porte d'avantage sur les sons des mots et d'autres pour lesquels le déficit porte d'avantage sur l'aspect graphique - orthographique.

JFL - Il y a une nouvelle technique qui consiste à prendre une lettre et leur faire écrire en pâte à modeler pour qu'ils voient ces lettres sous tous les angles en 3 D ?

PFR - Oui, R. Davis avait particulièrement pointé chez les enfants dyslexiques les troubles de l'attention. Je crois que c'est la base de sa méthode, il appelle ça la désorientation intentionnelle c'est recouvrer d'abord une attention qui est focalisée sur une activité alors évidement si cette activité, est une activité linguistique de lettres et de mots je pense que cela doit apporter un bienfait aux enfants dyslexiques.

JFL - un auditeur nous signale que son fils qui était soigné pour une dyslexie avait en réalité une hyperactivité et qu'il ne faut pas confondre les deux. Ces troubles sont liés ?

PFR - Pour la médecine et la neuropsychologie également ce sont deux syndromes différents mais on peut retrouver chez des enfants dyslexiques en même temps des problèmes d'hyperactivité. Pour poser le diagnostic d'hyperactivité il faut être bien sûr car là, par contre il y a des médicaments.

JFL - Votre méthode Docteur Quercia, enfin je devrais dire la méthode portugaise du professeur Da Silva

DPQ - Oui, je vais vous raconter la petite histoire car c'est très intéressant. Le professeur Da Silva à l'époque travaillait avec un homme qui est décédé depuis qui s'intéressait à la réadaptation fonctionnelle, des gens qui avaient des lumbagos etc.. Il s'est aperçu d'une chose c'est que les gens qui avaient des problèmes de posture qui étaient en fait de guingois on va dire, lorsqu'il s'agissait d'enfants, ils étaient dyslexiques. Lui s'intéressait à, je vais utiliser un mot qui est un mot qui est assez difficile, la proprioception c'est à dire la sensibilité profonde. Il s'est intéressé à cette sensibilité profonde et il a montré qu'en modifiant cette sensibilité profonde en modifiant la proprioception, on changeait la manière dont le dyslexique percevait le monde et on rééduquait ainsi la dyslexie.
Un abord tout à fait nouveau, très original. La sensibilité profonde ce sont des milliers de « sondes » dans nos muscles, nos articulations qui nous permettent de nous tenir et qui apprennent à l'enfant lorsqu'il grandit à localiser les choses dans l'espace. On revient toujours à ce fameux problème de localisation spatiale. On a des sondes dans le corps entier dans tous les muscles mais il se trouve que tous les muscles ne sont pas égaux et il y a une richesse extraordinaire dans les muscles oculaires, c'est pourquoi l'on peut modifier cette sensibilité profonde du haut jusqu'en bas en modifiant les sondes qui sont dans les muscles des yeux.

JFL - Vous modifiez les sondes qui sont dans les muscles des yeux pour que ces yeux aillent chercher la lettre dans le bon angle ?

DPQ - Oui, on met une paire de lunettes particulière qui contient des prismes, on dévie un tout petit peu la lumière et on fait croire en quelque sorte au cerveau que les choses ne sont pas là où elles sont.

JFL - C'est vrai que cette nouvelle technique de tromper le cerveau arrive dans d'autres domaines entre autres la douleur mais ça se traduit comment pour l'enfant ?

DPQ - Il porte des lunettes en permanence, il a une correction neutre s'il n'est pas myope ou hypermétrope. A l'intérieur il a une correction qui dévie un tout petit peu la lumière et qui va retendre les muscles oculaires et en faisant ça on modifie sa perception spatiale.

JFL - Avec des résultats meilleurs que les méthodes traditionnelles ?

DPQ - J'ai deux aspects du problème, le premier aspect clinique les patients que je vois à mon cabinet et je dois dire que c'est la première fois que j'ai des parents qui me téléphonent et qui me disent que j'ai changé la vie de leur enfant. J'ai un protocole en cours avec Monsieur Robichon et d'autres personnes de l'université de Bourgogne on prend des dyslexiques ils sont traités et on étudie l'évolution, il faut plusieurs mois.

JFL - Alors, tous ceux qui nous écoutent et qui sont dyslexiques et qui veulent participer à ce protocole peuvent aller à l'université, ils peuvent y participer ?

PFR - C'est un petit peu plus compliqué que cela, parce qu'il y a certains critères pour rentrer dans le protocole ; schématiquement, le protocole est ouvert aux garçons essentiellement entre 9 ans et 16 ans cela demande deux jours d'examen, il faut être très motivé.

JFL - Je reviens sur votre technique elle est révolutionnaire avec une simple paire de lunettes de modifier les sondes que nous avons dans nos muscles oculaires, ça voudrait dire que ce n'est pas un problème psychologique mais mécanique.

PFR - Ce n'est pas un problème psychologique ça c'est sûr, mais ce n'est pas non plus un problème mécanique, la sensibilité profonde c'est une sensibilité comme toutes les sensibilités et qui joue un rôle énorme pour l'élaboration de concepts très évolués.

JFL -Il y a beaucoup de gens qui souffrent de dyslexie pas seulement les enfants, il y a des gens plus âgés est ce qu'on abandonne les dyslexiques adultes ?
Une auditrice signale que son fils est devenu ingénieur mais qu'il a toujours dû travailler beaucoup plus que les autres élèves et elle voudrait savoir si cette énergie qu'il déploie, il va en avoir besoin toute sa vie ?


PFR - Sur la première partie de la question, il y a des dyslexiques adultes, les jeunes adultes d'aujourd'hui et peut-être même un peu moins jeunes, généralement ils ont bénéficié de la rééducation orthophonique, de celle-ci ou d'une autre méthode. Dans un premier temps, seuls les enfants bénéficient de cette nouvelle méthode, dans un deuxième temps un groupe d'adultes est prévu on va adapter cette méthode pour voir s'ils peuvent tirer un bénéfice, pour le moment nous n'avons pas commencé, on travaille seulement sur les enfants parce que c'est déjà compliqué.

JLF - Pour l'adulte qui a appris à lire tant bien que mal, à en juger par les appels que nous recevons ce n'est pas une vie simple.

PFR - il y a de nombreuses occasions dans sa vie au quotidien, professionnelle où effectivement les troubles dyslexiques peuvent resurgir.

JFL - Pour poursuivre avec l'oeil, y a t-il un problème d'oeil droit directeur ou gauche directeur ?

PFR - Il y a effectivement une piste et c'est très étudié. La proprioception c'est elle qui nous permet d'être debout et symétrique et on s'aperçoit que l'on n'utilise pas le même oeil pour se tenir debout et savoir où on est par rapport à celui qui est directeur. On peut avoir l'oeil droit, on peut avoir l'oeil gauche qui sert à la posture c'est ce que l'on appelle l'oeil postural. Il y a un moyen très simple de savoir quel est l'oeil directeur on demande à quelqu'un de pointer une image en fermant un oeil, il fermera toujours celui qui n'est pas directeur.

Rappel de la dyslexie à la demande d'un auditeur

PFR- C'est un trouble de l'apprentissage de la lecture, ce trouble est accompagné de troubles très fréquents comme celui de l'orthographe donc des troubles à l'écriture également et pour certains des troubles de l'expression orale.
Il y a des troubles de l'attention également. Les dyslexiques de développement les plus nombreux dans un pays francophone car c'est quant même lié également à la langue, au degré d'irrégularité de la langue, l'expression des troubles en France c'est des dyslexies de forme phonologique qui ont du mal avec la forme sonore des mots. C'est à dire avec des exercices de rimes ou de manipulation des sons du langage.

JFL - Une auditrice signale que l'on n'aborde pas la dyscalculie

PFR - La dyscalculie c'est un autre syndrome, on trouve quelques dyslexiques du développement qui ont des troubles du calcul qui peuvent être de plusieurs ordres mais ce n'est pas une caractéristique du dyslexique qui je le répète à des troubles de la lecture.

JFL - Docteur Quercia on va revenir à votre cas, vous vous êtes aperçu que votre fils était dyslexique vers 7 ans comment l'avez-vous soulagé ? avec la méthode da Silva ?

DPQ - la méthode da Silva est une histoire assez extraordinaire, les ophtalmologistes ont une profession assez organisée et nous utilisons le net pour correspondre. Un jour il y a trois ans j'ai lu un petit message disant « il faut faire très attention car souvent des parents viennent nous voir et disent que leurs enfants ne voient pas bien car ils ne lisent pas bien, on ne trouve rien mais il faut penser éventuellement à la dyslexie. J'ai eu une réponse de M. da Silva qui m'a dit votre enfant est dyslexique parce qu'il a un déficit proprioceptif. Examinez-le : il a tels symptômes… Je l'ai examiné et je me suis rendu compte que c'était vrai, je me suis dit qu'est ce que c'est que cette histoire, est-ce une médecine parallèle de plus. J'ai contacté Monsieur da Silva, on a mis en route le traitement.
Je dois vous dire que, lorsqu'il est rentré en seconde on m'a dit « il faut qu'il fasse de la mécanique, de la menuiserie, c'est bien : on cherche du monde ». Lui, il voulait faire de la biologie. On l'a tiré par les cheveux jusqu'à la fin de la première, on s'est dit, il va doubler ou tripler la première. On a commencé le traitement fin de première, il a passé le bac. Il a eu 18 en math, 18 en physique, avec une mention. C'est révolutionnaire. Je dis qu' actuellement toutes les méthodes qui sont utilisées sont des méthodes qui aident l'enfant à contourner les difficultés mais ce qu'à trouvé M. da Silva : la proprioception, est au centre de la dyslexie, ce n'est pas une technique, c'est au centre. Sur les 300 dyslexiques que j'ai examinés, tous ont des troubles proprioceptifs.

JFL - rappelons que la proprioception c'est ce capteur que l'on a l'intérieur du corps qui est une sensibilité très profonde, c'est ce qui nous permet de nous tenir debout et en équilibre, que nous avons dans les muscles oculaires et dans le reste du corps, c'est ce qui fait que lorsque l'on regarde devant nous, notre oeil peut savoir qu'il y a quelqu'un à notre droite schématiquement c'est ça ? Il y a des sondes qui donnent l'information au cerveau que pour aller voir quelque chose les yeux doivent faire tel mouvement et pas tel mouvement.

Question : peut-on devenir dyslexique à 50 ans par exemple ?


PFR - On ne peut pas devenir dyslexique en souffrant de celle dont on vient de parler, mais tout le monde peut avoir quelques syndromes de type dyslexique cela arrive lorsque l'on est fatigué que l'on bute sur les mots à la lecture qu'elle soit silencieuse ou orale.

JFL - L'ordinateur n'est t-il pas une solution ?

PFR - On a évoqué tout à l'heure un problème avec le temps, ce problème se vérifie avec l'usage de l'ordinateur, taper sur un clavier réclame beaucoup plus de temps, d'autre part ils ne sont pas non plus à l'abri des erreurs dans les lettres sur un clavier. Je le vois avec des enfants qui font des bilans avec l'ordinateur.

En conclusion :

PFR - Pendant un peu plus d'une cinquantaine d'années, ce sont des théories psychologiques que l'on avançait pour expliquer la dyslexie du développement. Aujourd'hui, avec l'évolution des connaissances, des sciences, on a pu mettre en évidence un certain nombre d'anomalies du système nerveux du système proprioceptif.
Actuellement les troubles psychologiques sont plus la conséquence, encore une fois c'est normal, un enfant qui donne le meilleur de lui-même et qui s'entend encore malheureusement taxé d'idiot et de paresseux.
Aujourd'hui aux Etats Unis et au Canada les chefs d'entreprise ont intégré qu'un élève qui arrive à finir des études et qui est dyslexique est précieux pour la société car il va être inventif, il va utiliser des techniques que le bon élève tranquille qui arrive à faire des études supérieures sans difficultés n'aura pas, il va avoir une attitude linéaire alors que le dyslexique aborde le monde d'une manière différente, il sera très inventif. Très utile pour l'entreprise.

Réponse à propos des examens : pour les enfants dyslexiques l'Education Nationale prévoit un tiers de temps supplémentaire, il faut vraiment insister car beaucoup d'enseignants ne le savent pas.
Le livre "Dyslexie de développement et Proprioception : approche clinique et thérapeutique »
écrit par Patrick QUERCIA, Fabrice ROBICHON et Orlando ALVES DA SILVA est édité par Graine de lecteur. Le livre est principalement écrit pour les ophtalmologistes.

Graine de Lecteur
15 rue du Clair Matin
21200 BEAUNE

Association de Promotion de la Recherche sur la Dyslexie de Développement et les Troubles des Apprentissages
(Retranscrit par Claude avec l'aimable autorisation de Mrs Quercia et Robichon).
(pour en savoir plus sur le traitement : http://posturo.free.fr/vue.html )